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Lettre ouverte au consortium Couperin sur le renouvellement de l'abonnement à Elsevier

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L'association CAPSH a adressé la lettre ouverte ci-dessous à la présidence du consortium Couperin au sujet du renouvellement de l'abonnement à Elsevier.

Madame la présidente du consortium Couperin,
Messieurs les vice-présidents,
 
Nous vous contactons au sujet de l'accord de principe entre Couperin et Elsevier, qui a été récemment dévoilé par The Sound of Science. Nous représentons l'association CAPSH, qui milite en faveur de l'accès ouvert et développe la plateforme Dissemin. Nous nous adressons à vous pour vous faire part de notre forte déception vis-à-vis de ce projet d'accord, dont les termes desservent la cause du libre accès aux publications scientifiques, et pour vous inciter vivement à ne pas le concrétiser.
 
Les termes de l'accord prévoient en effet que la version « Manuscrit auteur » des articles, entièrement réalisée par des agents publics sans aucune implication d'Elsevier, soit ne rendue disponible qu'au terme d'un délai d'embargo de 12 mois. Ce mécanisme concurrence donc l'auto-archivage par les chercheurs, et ce dans des conditions moins favorables que le délai de 6 mois prévu par la loi 2016-1321 pour une République numérique, ou que l'absence complète d'embargo préconisée par la cOAlition S et vers laquelle se dirige la recherche européenne. Il nous semble en effet scandaleux d'organiser ainsi une distribution restreinte et coûteuse du travail de nos chercheurs, plutôt que de les enjoindre à déposer au plus vite leurs travaux par eux-mêmes sur des archives ouvertes : s'il s'agit d'un manuscrit auteur et qu'il est finalement distribué sur HAL, pourquoi au juste avons-nous besoin d'Elsevier ? L'accord prévoit également des réductions symboliques du prix des abonnements et des APC (13% et 25% respectivement), bien inférieures aux demandes initiales du consortium (25% et 90%). Cela nous semble très insatisfaisant par rapport aux marges bénéficiaires d'Elsevier, qui s'élevaient à 37% en 2018.
 
Nous pensons qu'un accord avec Elsevier serait regrettable dans le contexte actuel où les chercheurs ont de moins en moins besoin d'accéder à la version éditeur des articles, et sont nombreux à assurer eux-mêmes la distribution de leur version auteur, par le biais d'archives ouvertes comme HAL ou arXiv, ou à se tourner vers des revues entièrement en libre accès comme les épijournaux. Ainsi, nous estimons que la recherche française pourrait parfaitement se passer d'un tel accord : si Elsevier venait à couper l'accès des chercheurs français à leurs articles, cela ne ferait qu'accélérer la transition de la recherche vers un modèle de publication en libre accès. C'est d'ailleurs la stratégie retenue par l'Allemagne, la Hongrie, la Norvège et la Suède qui n'ont pas renouvelé leurs abonnements à Elsevier sans que cela ne gêne particulièrement les chercheurs. Bien sûr, nous ne souhaitons pas minimiser le travail, sans doute considérable, investi par les membres de Couperin pour aboutir au projet d'accord actuel, et nous comprenons que les négociateurs soient pleinement investis dans leur mission. Malgré tout, à notre sens, un « échec » des négociations serait en fait une réussite historique en faveur de l'accès immédiat aux résultats de la recherche, essentiel au progrès scientifique.
 
Pour ces raisons, nous vous encourageons fortement à ne pas céder sur les termes de votre mandat initial de négociation avec Elsevier, même si cela devait déboucher sur un désaccord persistant et une interruption définitive des abonnements.
 
Veuillez agréer, Madame la présidente et Messieurs les vice-présidents, l'expression de nos salutations distinguées,
 
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Antoine Amarilli, maître de conférences
Antonin Delpeuch, doctorant
Marie Farge, directrice de recherche CNRS
Marc Jeanmougin, ingénieur de recherche
Patricia Mirabile, doctorante
Pablo Rauzy, maître de conférences
Pierre Senellart, professeur des universités
Lucas Verney, doctorant